Avant de visiter le Judisches Museum, oeuvre monumentale de Daniel Libeskind (l'architecte retenu pour la reconstruction de Ground Zero à New-York, nous sommes passés par la Friedrich Strasse pour jeter un oeil aux quartier 205, 206 et 207, trois passages qui abritent des galeries commerciales de trois architectes différents.
Le quartier 205 par Jean Nouvel, qui abrite les Galeries Lafayettes. Le rotonde est censée rappeler le centre vertigineux des galeries de Paris; c'est plutôt réussi. En revanche, les prix et l'esprit de l'enseigne sont conformes à l'original, donc très décalés par rapport à Berlin. Globalement beurk dans le contexte donc... Sans compter le "libraire" français des Galeries, qui nous a ri au nez quand on lui a demandé une pièce de Valère Novarina. Citation : "on me demande ça tous les 60 ans ! j'ai un stock de six mois, alors vous comprenez..." Le témoignage de Sarko et les ouvrages sur Angela Merkel étaient dispos par contre. Rien à voir avec la librairie Zadig, librairie française de la Linienstrasse qui avait encore le bouquin la semaine dernière!
Quartier 206 : autre ambiance, architecturalement plus fine, mais commercialement aussi bourge. C'est l'oeuvre d'un architecte qu'on ne connaissait pas, un certain Peï (il paraît qu'il a aussi fait un pont qui porte son nom, mais on n'a pas vérifié :-) )
Une fois sortis de ces "temples du grand capital", Direction le musée juif. La photo ci-dessus donne un aperçu de la cohabitation de l'ancien et du moderne dans les formes extérieures du musée (l'architecture intérieure est par contre entièrement marquée par les volumes anguleux du projet).
Le musée se décompose en deux parties : la partie basse, presque vide (ses détracteurs parlent de "non-musée"), entièrement dévolue à l'holocauste. C'est la partie qui nous a renversés (on parlera ensuite de l'expo permanente, plus problématique); renversé, on devrait dire déséquilibrés, puisque les deux couloirs croisés (celui de l'holocauste et celui de l'exil) ne sont jamais à plat, de sorte qu'on perd vite la notion d'horizontalité.
Le jardin de l'exil, au bout du couloir du même nom, dont les inclinaisons paradoxales finissent par conner une légère nausée (véridique)
les colonnes de pierre emplies de terre et de végétation
Même assise, Amandine n'arrive pas à trouver une position confortable.
Au bout du couloir de l'holocauste, la tour éponyme. Cette fois, ce n'est pas la nausée mais un malaise vertigineux : cette haute tour de béton brut, où seule une fente laisse passer un rai de lumière, a la forme d'un triangle. Une fois la lourde porte refermée, on se retrouve face à un silence prenant. une fois dans l'arête du triangle, coincé entre les deux murs, on est soumis à une drôle d'expérience, émouvante sans qu'il y ait le moindre signe explicite à propos de la solution finale. Signe intéressant : beaucoup de visiteurs n'osent pas laisser la porte se fermer complètement, comme si cette tour permettait à chacun de mesurer sa capacité de résistance face à la puissance évocatrice du monument (probablement plus forte et plus éducatrice que des images des camps)
Une première partie de visite prenante, donc. Là où ça se gâte, c'est quand on remonte vers l'exposition permanente dédiée à l'histoire des juifs à Berlin depuis le quatrième siècle. Le foisonnement (à la limite du brouillon) de documents tranche avec la sobriété de l'étape précédente. Et il faut bien admettre que, malgré la prétention revendiquée de l'exposition à délivrer un message de tolérance, le résultat tend tout de même à mettre en exergue l'absolue particularité du peuple juif, et même d'une certaine catégorie de juifs uniquement. Tournée entièrement vers les ashkénazes (ce qui se comprend si on ne parle que de Berlin, mais bon...), on peut constater qu'il y a un tri latent entre les "bons" et les "mauvais" juifs : dans les personnalités juives qui ont marquées leur temps, on ne peut faire l'économie de Marx et Engel, mais en soulignant tout de même la trahison que représente leur distance vis-à-vis de la religion. Hannah Arendt elle, est dans un petit coin (la vilaine !). Quant à Helmut Newton, photographe majeur du 20èmes siècle né à Berlin... On n'en a trouvé aucune trace ! Serait-ce ses penchants pour l'érotisme et la provocation qui lui valent ce déni ?
Bref, une expo assez énervante dans son ensemble malgré le panorama historique; pour synthétiser, on retiendra surtout le geste architectural remarquable de Libeskind. Pour le reste...
Le soir, visite express de la Gemäldegalerie, le plus gros musée de peinture de Berlin (1200 oeuvres, 53 salles), grâce à notre "pass" Musée de 3 jours qui nous donnait accès libre à une soixantaine de musées de la ville pour seulement 15 euros de forfait...
Même si notre visite fut rapide, cela nous a permis d'apercevoir de grandes et belles oeuvres comme une magnifique Vénus de Botticelli, des Giotto, Fra Angelico, Le Corrège, Watteau, Rembrandt ou Vermeer... un joli panorama. On a même appris ce qu'était un tondo...